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 Article publié le 23 juillet 2023.

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Commenter un film pendant sa phase de tournage ou lors de sa projection, voilà qui ne se fait pas ; tout au plus tolère-t-on en guise de friandise un making-of à postériori ou des bonus sur DVD contenant des scènes non retenues au montage voire des commentaires du réalisateur. A la rigueur une bande-annonce alléchante susceptible d’attirer le chaland permettra d’introduire du langage dans ce qui se présente comme une œuvre dont le langage n’est qu’une des composantes.

Dans le milieu du cinéma, le pitch est de rigueur : concision, concision !

Un bandeau sur un livre est plus bref encore.

La quatrième de couverture est plus bavarde. La plus étonnante qu’il m’ait été donné de lire est celle, rédigée par Blanchot lui-même, qui accompagne la réédition de son roman Le Très-Haut.

Les coulisses d’un spectacle parfois plus intéressantes que le spectacle lui-même…

Entre images générées par ordinateur et vieux trucs scéniques, le monde du spectacle balance : théâtre ou cinéma.

Pyrotechnie et projections diverses et variées agrémentent depuis des lustres les concerts rock ou de variété dans le but d’en mettre plein la vue à l’auditeur, ce qui est un comble !

Elle est loin l’époque où l’idée wagnérienne de spectacle total trouva à se refaire une beauté lors de spectacles multimédia psychédéliques ! LSD, images et sons ! Un tourbillon sensoriel !

I can’t believe this music is half a century old and still resonates. One of the few benefits of being old is remembering when this stuff was made. I hope that someday they find the recognition they deserve as a result your putting this out. Much appreciated.

Un internaute sur You Tube à propos de l’album Plastic People d’un obscur groupe psychédélique californien, Wildhood, actif de 1966 à 1971.

One of the few benefits of being old is remembering when this stuff was made.

Phrase intéressante qui laisse entendre que la « patrimoine immatériel de l’humanité » se loge parfois dans peu de chose : une musique oubliée qui fait resurgir tout un pan de l’histoire : la musique est ancrée dans un lieu et un espace donné, irrémédiablement, d’où son extrême fragilité dans un monde qui ne s’intéresse qu’aux dernières nouveautés en vogue.

Diablement datée, la musique souffre du primat de l’actualité qui semble régner sur les esprits faibles de tous temps majoritaires et qui s’imaginent qu’aujourd’hui c’est forcément mieux qu’hier, à défaut de penser encore que les lendemains qui chantent nous attendent sur la route pavée de bonnes intentions d’un progrès technico-scientifique, économico-politique et social indéfini.

No future ! Ce pourrait être le slogan de toute nouveauté vouée irrémédiablement à finir dans les poubelles de l’Histoire dans le contexte actuel de présentisme qui nous tyrannise.

Musique kleenex à usage unique en somme !

Beethoven est devenu un chien de cinéma, Wagner une troupe de mercenaires sanguinaires. Tout fout le camp, mon bon monsieur !

Spectaculaire concert ! quelle chierie !

La richesse d’une musique est inversement proportionnelle au spectacle censé l’accompagner, sauf à l’opéra. Voilà qui est vite dit ! 

Une musique qui ne se suffit pas à elle-même m’ennuie, cela dit sans négliger l’impact des références culturelles fantasmées attachés à tel ou tel genre de musique ni le contexte d’audition, déterminant dans le plaisir subrogatoire éprouvé à se trouver au milieu d’une foule choisie réunie dans telle ou telle salle de concert prestigieuse, un lieu « mythique » où de « grands noms » de la scène lyrique, classique ou jazz se sont produits par le passé.

Il appert que les lieux imprégnés d’une atmosphère toute chargée d’histoire jouent un rôle important dans la perception musicale : l’Apollo à Harlem, l’Olympia à Paris, le Carnegie Hall et le Madison Square Garden à New York, le Royal Albert Hall à Londres, l’Opéra de Paris ou de Vienne, la Scala de Milan, etc… temples de la musique populaire ou non dans lesquels les artistes conviés se sentent obligés de donner le meilleur d’eux-mêmes pour le plus grand bonheur des auditeurs-spectateurs.

Une musique entièrement nue ne peut exister : c’est-à-dire sans référence aucune de genre ou de style charriant toute une iconographie (pochettes de disques, affiches, clips vidéo, concerts filmés) ainsi qu’une histoire fourmillant d’anecdotes de tous ordres, parfois croustillantes ou piquantes voire scandaleuses.

You Tube s’est fait le champion de la mémoire musicale du siècle passé ; quantité de jeunes ont ainsi la chance et l’opportunité de découvrir un nombre impressionnant de styles musicaux sans débourser un centime, alors que dans ma jeunesse j’en étais réduit à acheter des trente-trois tours en pagaille. Il y avait bien quelques émissions de radio et de télévision, mais rien de comparable à la pléthore actuelle absolument effarante et quelque peu écrasante présente sur la plate-forme de You Tube.

Un grand nombre de passionnés exhument des œuvres méconnues voire oubliées et les donnent à entendre, ce qui constitue un contre-poids salutaire à la tyrannie de l’actuel.

Entendre quelques notes de Mozart évoque tout de suite pour moi des musiciens en jaquette et en perruque poudrée.

J’apprécie certaines musiques contemporaines pour la jubilation sonore qu’elles me procurent mais aussi pour le fait qu’en apparence elles ne se réfèrent à rien de connu, si l’on excepte, évidemment, la patte, la touche, le métier du compositeur ou de la compositrice acquis de haute lutte dans les meilleures écoles de musique.

L’expression française : conservatoire de musique : conserver les musiques en l’état au fil du temps, tout en renouvelant les approches pédagogiques : invariants et variations s’y entremêlent : tout ceci a du bon si, et seulement si des créateurs en émergent capables de dépasser le donné monumental qui leur a été inculqué durant leurs années de formation.

Les ruptures avec la Tradition ne sont jamais totales. L’aspect muséal des conservatoires jamais absolu.

Musique, théâtre, opéra et cinéma ont en commun d’être des arts collectifs, d’où l’industrie du spectacle actuel.

Une feuille de papier et un petit crayon suffisent aux poètes… qui ne déplacent pas les foules…

Il n’y a pas de musique pure.

Les musiques les plus fortes, les plus décisives-incisives sont celles qui ont su défier les temps qui les ont portées sur les fonts baptismaux : fontaine de jouvence pour un monde toujours vieillissant qui porte en lui toutes les possibilités explosives d’une radicale nouveauté dont il n’a pleinement conscience que lorsque telle musique inouïe lui explose à la figure, cette entité spectrale composée de millions d’individus qui deviennent alors des auditeurs enthousiastes.

Aucune nécessité ne semble prédisposer un genre musical à évoluer. Pure illusion !

Un genre qui s’épuise s’éteint ou mute. Le jazz offre le spectacle sonore le plus ébouriffant qui soit d’une musique en constante évolution tant à cause de l’agrandissement progressif de sa base harmonique que grâce à l’élargissement de son public électif.

Les porte-flambeaux de toute musique ? le public qui a toujours le dernier mot. En sourdine, hélas, pour ainsi dire passant inaperçue, l’influence déterminante des campagnes de publicité radio et télédiffusées qui tendent à occulter des pans entiers de la création vivante…

N’en déplaise à Pierre Boulez qui ne voyait dans un solo de saxophone qu’une « masturbation en public », les soli sont des espaces de découverte instantanée qui jaillissent de l’imagination de l’ensemble des musiciens : moments de grâce, passage du divin dont le dyonysisme n’est plus à démontrer.

Ces moments de grâce doivent aussi beaucoup à l’énergie irradiée par le public. Un feedback positif en quelque sorte, une rétroaction qui doit beaucoup aux lieux. Ainsi le Royal Albert Hall qui vit tant de concerts extraordinaires : Hendrix le 24 février 1969, Siouxsie and the Banshees en 1983, ou Jacques Brel à l’Olympia, etc…

Electric Sky Church… Woodstock, la boue, la désorganisation, le grand bordel et Hendrix épuisé mais en état de grâce pendant plus de trente minutes enchaînant Voodoo Child (Slight Return), le Star Spangled Banner, Purple Haze et Villanova Junction Blues… Un seul regret : le mixage de l’Hymne américain qui occulte le foisonnement des percussions…

La rock music ne fait que se survivre, toutes ses évolutions allant dans le sens de plus de complexité n’ayant jamais trouvé un public assez large pour en assurer la pérennité. C’est ainsi que des groupes-phares tels les Anglais de This Heat ou les Américains de Père Ubu, faute de succès commercial, restent dans les marges de la perception, alors qu’ils en ont ouvert toutes grandes les portes.

Le grand mérite des orchestres de jazz et des groupes de rock : le génie de certains leaders apparaît marqué de manière indélébile par la présence heureusement stimulante de leurs accompagnateurs, tant et si bien qu’il est impossible de distinguer pleinement ce que la musique doit au leader et ce qu’elle doit aux accompagnateurs, ce qui rend quelque peu caduque la notion de génie solitaire.

L’interactivité opère comme le vecteur de l’énonciation dans une situation de communication asymétrique : le leader lance les idées, les accompagnateurs brodent, enjolivent, complexifient, relancent, etc… Que serait, par exemple, Up From the Skies sans le jeu de balai sur les cymbales de Mitch Mitchell, une idée suggérée par le bassiste contre son gré que fut l’excellent Noel Redding.

Par exemple, la musique de Jimi Hendrix doit beaucoup à la liberté qu’il laissa sans hésiter à son batteur Mitch Mitchell. Sans Hendrix, Mitch Mitchell n’aurait pas cocréé la musique du Jimi Hendrix Experience, mais sans Mitch Mitchell la musique hendrixienne aurait pris une autre tournure que celle que nous lui connaissons.

Il en est de même pour le duo exceptionnellement créatif que formaient le bassiste Jack Cassady et le guitariste Jorma Kaukonen au sein du Jefferson Airplane. Je pourrais multiplier les exemples…

Une histoire s’écrit dont on ne peut souhaiter voir venir la fin. Voilà ce qui pourrait « définir » le dynamisme propre à un genre musical, sa dynamique, quant à elle, dépendant du talent conjugué des membres de tel ou tel combo.

Le talent et la chance (les Beatles sans Brian Epstein n’auraient jamais percé, pas plus qu’Hendrix sans le coup de pouce de Chas Chandler, par exemple), la persévérance et l’endurance, la bonne santé mentale et physique (qui fit tant défaut aux musiciens des années 60…) : voilà peut-être le cocktail nécessaire à un succès durable.

…dass ich Dich habe kennenlernen wollen können… Un vouloir connaître dépendant d’un pouvoir de connaître : la magie qu’opère la simple curiosité, tout bonnement !

 

Jean-Michel Guyot

17 juillet 2023

 

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