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Le calepin d'un fragmentiste - 15 - Le banc
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 Article publié le 30 avril 2023.

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À la Chandeleur, grande douleur ! Tu roupilles où ? La dure ? Le porche ? Le banc ? Le banc de Jeanne et de Raymond ? Ça remonte à quand ? Mon pater te le dirait, s’il fumait pas les mauves. Sourza et Souplex. Et Bourrel ? Bon dieu ! Mais c’est bien sûr ! C’est loin de nous tout ça. Tout ça… C’est pas une idée. Les relais de la belle étoile, l’auberge du clair de lune, le dortoir aux draps verts… Je ronfle comme un sonneur ! Un sonneur de cloches, pardi ! T’es sonné ! La paille, le sable, le pavé… Tu me piques le cœur, vagabond. Quoi qu’on fasse, quoi qu’on joue, on l’a toujours dans le trèfle. Toujours sur le carreau ! Des chaussettes russes, des soubaroufs à bascule, un calebar raide comme la justice, une vieille laine, un pardosse de vinaigre, un colback Second-Empire… Je dévide mon jars, je rouscaille bigorne… J’argote, quoi ! La cagne et le clochard. Je tangue dans mon quartier, entre l’île de Pâques et la Trinité-sur-merde. Du vent ! Du vent dans les voiles… Ô mes terrains vagues ! Tu vois, j’enfile la peau d’une fleur de comète, d’un déchard des décharges. Je prends le collier à clous dorés de la Miss Mistongue, Mistonille, Mistoufle. Je dégringole. Je suis de la faridon, dondaine dondaine… Je suis de la faridon, dondaine, dondon… Je suis de la faridon, de la faridondaine…

 

La relève est assurée. Toute cette jeunesse sur les trottoirs. Travaille ! Travaille ! Ils en ont de bonnes, les politicards. Quand le bâtiment va, matelot, tout va ! Qu’est-ce qu’on attend dans les ministères ? T’es au courant des affaires de l’État… T’as vu dans quel état on est ? L’état de siège. Je ramasse les journaux… Je les lis en long, en large et en travers, mais je garde mes convictions. Des nouvelles rassises. Regarde… C’est le banc de Gaudi. Barcelone. Tu vois les couleurs ? Plus de cent mètres ? Tu peux en rajouter une bonne cinquantaine. Des morceaux de céramique… Qui a payé les pots cassés ? Quand j’étais petit… Tu n’étais pas grand. Cette goualante, je l’ai chantée avant toi. T’étais encore dans les langes de ta lingère de mère. Les langes… Les limbes… Tout le monde a eu monsieur Bertrand… Le maître ? Notre maître à tous. Tout le monde a chié dans ses bottes. Tout le monde le regrette ? Archimède… Ça te dit quoi ? Ça me dit… Le clochard ? Pourquoi, t’en connais un autre ? Ce claquepatin avait le bec fin. Son palais supportait pas l’huile d’olive. Il se mouchait pas dans ses doigts… Jean Gabin. La rasade de muscadet… Un immeuble pour lui tout seul. Ça dure pas. Libre d’aller en prison ou sur la Côte d’Azur. À notre époque, le cinoche, c’était important. Gilles Grangier est mort en 1996. J’ai erré plusieurs jours dans les rues de Suresnes. De Sica, Bardem, Renoir…

 

Tu pionces où ? L’embarras du choix. Le duvet, la plume, la soie… Une nuit au Balzac… Le roi Pétaud, la reine Madeleine et leur suite ! Trente-six étoiles, mon vieux. À ce prix-là, on te torche, on te frictionne des arpions au casque à l’eau de naffe, on te talque le bas-ventre… En attendant je m’en grille une en tétant une demoiselle un tantet acariâtre. C’est pas de la fine, mon rococo. Tantôt je glanderai dans un élysée… Avec ton nimbe ? Et tous ces enfants morts… Et ce Christ à la manque qui reste de marbre, de bois, de bronze… Des clous ! Touche-moi. C’est pas le moment de chialer, Mado. T’es au chaud, t’as la becquée, t’es débarbouillée, t’es blanchie… Ravigote-toi. Les beaux jours reviendront. Tu sais, la neuille, ça défile dans mon cabochon tout ce bon temps qu’on aura à prendre. Les amoureux qui s’bécott’nt sur les bancs publics/Bancs publics, bancs publics/En s’fouttant pas mal du r’gard oblique/Des passants honnêtes… Je t’ai pas dit…. Les amoureux qui s’bécott’nt sur les bancs publics/Bancs publics, bancs publics/En s’disant des Je t’aime pathétiques/Ont des p’tit’s gueul’ bien sympatiques. J’ai hérité d’un transistor moderne. Il faut vivre avec son époque. Tu causes aux poux de ton bonnet ? Une vieille habitude. T’as de l’oseille ? Le pucier de mon âme sœur en est bourrée. L’annexe de la Banque de France. On a tout de même des fidèles donateurs dans la paroisse. L’église, la boulangerie, le marché… Les messes interminables, les quignons, les cageots… Mado d’un côté, moi de l’autre, on se partage la besogne. Vous vous entendez bien vous deux ? On est pas sourds. Là, elle est à l’hosto. La toux… Des rougeurs… Un bail que je m’étais habitué à plus être seul. Tu vois, je vais, je viens, je tourne, je vire… Le banc ! Le banc ! Tu les aiguillonnes où tes mégots ? À la porte des grands magasins. À la fermeture, on a fini la journée. Et puis, c’est la valse des balais. Quand il tombe des cordes, on met les bouts. Mado, mézigue et notre clébard, on a droit aux intempéries. On est du bâtiment, nom de Dieu !

 

 

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